Aignan : Pouvoir rotatoire des corps dissous
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Thèse présentée à la Faculté des sciences de Paris

pour obtenir le grade de Docteur es sciences physiques

par


M. A. Aignan

 

Sur le pouvoir rotatoire spécifique des corps actifs dissous

 

soutenue le 26 juin 1893

 

devant la commission d'examen :

Troost, président

Bouty, E., Ditte, examinateurs

 

 

INTRODUCTION

 

En 1815, Biot découvrit que l'essence de térébenthine avait la propriété de dévier le plan de polarisation d'un faisceau lumineux se propageant à son intérieur.

 

L'illustre physicien attribua le phénomène «aux actions successives des particules mêmes de l'essence». Il constata, en effet, que la rotation était proportionnelle à l'épaisseur du liquide traversé et indépendante de l'état de repos ou de mouvement des molécules. D'une longue et belle série de recherches, il crut pouvoir conclure que les substances actives diluées dans un dissolvant inactif n'éprouvaient pas de changement dans leurs propriétés élémentaires relatives à leur action sur la lumière polarisée. Guidé, en outre, par des considérations théoriques que nous allons rappeler, il fut conduit à faire porter l'étude de l'action des corps actifs sur la lumière polarisée non pas sur la considération de la rotation w donnée immédiatement par l'expérience, mais sur celle de l'expression

w représente la rotation due à une colonne de dissolution de longueur l, de densité d et de concentration e.

 

En fait, si la loi simple énoncée par Biot n'a pas trouvé auprès des physiciens l'accueil auquel on aurait pu s'attendre, et si elle a été si facilement abandonnée, c'est sans doute parce qu'elle a pu paraître responsable de la théorie erronée des «combinaisons en proportions continûment variables», à laquelle Biot a cru nécessaire d'avoir recours pour rendre compte des divergences qui se manifestaient entre les conséquences des raisonnements fondés sur l’application de la loi et les données de l'expérience.

 

La loi de Biot m'a paru ainsi injustement condamnée. J'ai essayé de montrer qu'il était possible de la mettre en harmonie avec l'expérience, en invoquant, pour en développer les conséquences au lieu de la théorie à juste titre discréditée des combinaisons en proportions continûment variables.

 

Dans le présent travail, j’établirai d’abord par plusieurs exemples que le pouvoir rotatoire spécifique ne varie pas sensiblement avec la dilution quand il y a dissolution pure et simple.

 

Dans les cas nombreux on l'on constate une variation du pouvoir rotatoire spécifique, je montrerai que cette variation. indique la présence de combinaisons formées par le corps actif avec le dissolvant on avec l'un des éléments qu'il renferme. Je ferai voir que cette interprétation du phénomène permet de déterminer la constitution des composés ainsi formés, et qu'il suffit pour cela d'appliquer les règles données par Biot dans son célèbre mémoire sur les «Méthodes mathématiques et expérimentales pour discerner les mélanges et les combinaisons chimiques définies ou non définies qui agissent sur la lumière polarisée»

 

On verra que la dissociation par dissolution permet d'interpréter simplement les phénomènes compliqués qui avaient amené Biot a énoncer l'hypothèse des combinaisons en proportions continûment variables. Grâce a cette méthode d'interprétation. l'étude du pouvoir rotatoire pourra contribuer pour sa part à éclairer les importantes questions actuellement soulevées par les nombreuses études physiques dont les dissolutions tendent de plus en plus a devenir l'objet.

 

Je montrerai en reprenant l’étude d'un corps actif particulier, l’essence de térébenthine, que les conclusions de Landolt sont trop absolues, que l’expériences s’accorde bien dans un grand nombre de cas avec la loi de Biot : [w] = Cte , et qu'à priori il est aisé de prévoir et d'expliquer, dans une certaine mesure, les variations de propriétés physiques présentées par 1es dissolutions de corps aussi complexes que les composés organiques actifs.

 

J'examinerai ensuite, en prenant comme exemples les dissociations de sucre et de potasse, 1’expression , et je ferai voir ce que deviennent les deux droites de Biot quand on se trouve en présence d'un composé partiellement dissocié.

 

Ces considérations me permettront d'aborder la discussion des mémoires de Biot sur les dissolutions de l'acide tartrique et des résultats publiés récemment, par M. Gernez sur les corps actifs dissous. Je démontrerai que les données de ces deux physiciens s'accordent avec les principes exposés plus haut, et que, par conséquent, ils n'infirment en rien, comme on l'a prétendu trop souvent, la loi de Biot relative a l'invariabilité du pouvoir rotatoire spécifique.

 

Je présenterai enfin quelques remarques au sujet d'une loi de dissociation par dissolution, que m'a conduit a énoncer la discussion des résultats obtenus au cours de cette étude.



Mots clefs : térenbenthine / pouvoir rotatoire / biot / dissolution / corps actif / physique / rotation / lumière / aignan / troost



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